T’aimes pas ça, Mati, savoir l’un des tien à des centaines de kilomètres, tu n’aimes pas rester sans nouvelles, t’imagines toujours le pire, un brin défaitiste. Alors pour Aodren, perdue au milieu du Pérou, tu t’es fait un sang d’encre, Mati. La famille, c’est ce qu’il y a de plus important pour toi, et même si les Adkins sont la tienne depuis seulement dix ans, tu as l’impression de les connaitre depuis toujours. Ils t’exaspèrent comme s’ils étaient de ton sang, et tu les aimes, comme une véritable famille. Ce n’était pas évidement, au début. Incapable d’avoir confiance en quelqu’un, s’adapter à la vie de six personnes, et les croire, quand ils te disaient spéciale, ce n’était pas facile. Aujourd’hui, les choses ont évolué. Tu les appelles tes frères et sœurs sans trouver ça étrange ou déplacé, et tu te mêles de leur vie avec un plaisir mal dissimulé. Quand maman t’a appris son retour, il y a deux jours, tu attendais patiemment un coup de téléphone, un sms ou une visite, juste histoire de dire ‘eh je suis envie, je t’ai ramené un bonnet’ mais rien, rien du tout, silence radio. Ça te vexe un peu, il faut l’avouer, et tu es bien décider à aller le voir, si lui ne fait pas le premier pas. Tu as trois sœurs, toutes différentes les unes des autres, et tu les adores, vraiment, mais Aodren, c’est ton unique frère, c’est différent. Il est plus vieux, de presque dix ans, et un peu ton héro, tu l’avoues non sans mal. Tu l’admires, tu l’as toujours admiré. Lorsque tu étais encore une gamine perdue et en colère, lorsque tu ne croyais plus en rien, lorsque tu n’avais confiance en personne, il a su trouver les mots pour te rassurer, pour te faire comprendre que tout les hommes ne sont pas comme ton père. Et quand il a traversé une mauvaise passe, il y a quelques années, à ton tour, tu as essayé d’être présente pour lui, de le faire sourire, de le rassurer, et de t’assurer, surtout, qu’il n’était pas entrain de dépérir, tout seul.

Tu ne travailles pas aujourd’hui, c’est ton jour de congé. Alors, après les cours, t’as pris ton temps. Il n’habite pas très loin de la fac alors tu n’as pas besoin de courir après un taxi, ou encore te frayer un chemin dans un métro bondé et malodorant. Tu marches, tu passes même par central park, faut croire que t’es reliée à cette endroit, même quand tu ne travailles pas, tu finis toujours par passer dans le coin. Tu t’arrêtes en magasin de donuts, à l’angle de Murray Hill puisqu’après avoir googler ‘nourriture Pérou’ tu t’es rendu compte qu’il avait dû soit mourir de faim, soit mourir intoxiqué. Rien ne vaut de la bonne malbouffe américaine pour fêter un retour au bercail.

Il doit être un peu plus de seize heure quand tu arrives devant l’immeuble de ton frère. Il partage un appartement avec sa meilleure amie, et tu as prévu assez de donuts pour trois, voir quatre, au cas où. T’as toujours été prévoyante, quand on grandit seule, ce sont des choses qu’on apprend sur le tas. Pouvoir prévoir des choses à l’avance, être ordonnée, raisonnée, persévérante. Tu montes les escaliers quatre à quatre, ayant une peur bleu des ascenseurs et des espaces confinés en général, et arrive finalement, bien essoufflée, devant la bonne porte. Tu sonnes une fois, deux fois, trois fois, et puis, tu attends. T’as hâtes, Mati, mine de rien.